Le blog de Psychoscope – Les risques psychosociaux au travail
Les risques psychosociaux au travail couvrent les caractéristiques des tâches, les conditions d’exécution et de collaboration ainsi que les relations sociales professionnelles susceptibles de provoquer des atteintes à la santé. Le manque d’autonomie, la pression des délais, les interruptions de travail ou les conflits avec les collègues en sont quelques exemples. Outre les atteintes à la santé, la diminution de la satisfaction des employés ou la détérioration du climat de travail, les risques psychosociaux peuvent également entraîner des coûts matériels élevés pour les employeurs, liés notamment à l’absentéisme, à la baisse de la productivité et à une rotation accrue du personnel.
En Suisse, la loi sur le travail (Ltr) et les ordonnances connexes imposent aux employeurs l’obligation de préserver la santé physique et psychique de leur collaboratrices et de leurs collaborateurs. Minimaliser les risques psychosociaux est un défi majeur pour les employeurs. Fort heureusement, il semblerait qu’une importance croissante soit accordée aux mesures visant à réduire ces risques, notamment par les entreprises qui souhaitent se positionner comme un employeur attractif et garder durablement leurs employés.

Quelles sont les mesures d’amélioration de l’environnement de travail psychosocial dont l’effet positif a été démontré?
Birgit Aust, du National Research Centre for the Working Environment de Copenhague, s’est précisément penchée avec des collègues danois, suisses, allemands et hollandais. Les scientifiques ont fait une synthèse de 52 revues systématiques (10 méta-analyses et 42 revues) sur les interventions au niveau organisationnel publiées entre 2000 et 2020. Les revues systématiques incluses couvrent les résultats d’un total de 957 études primaires. Les scientifiques ont évalué les données probantes sur l’efficacité des interventions en fonction de la qualité des revues, de la cohérence des résultats des études primaires présentées et de la proportion d’études avec groupe témoin.
L’analyse inclut les interventions axées sur la modification des conditions de travail, du style de management ou de la politique de l’organisation, ou encore sur l’amélioration des compétences requise pour la maîtrise des tâches confiées. En revanche, les études sur la modification des stratégies de maîtrise individuelles des employés (p. ex. formation aux techniques de pleine conscience) ont été exclues.
L’efficacité des interventions visant à accorder aux employés une plus grande latitude pour l’aménagement du temps de travail ou l’organisation des tâches ou du travail, est largement attestée.
Concernant les approches d’intervention, les scientifiques ont trouvé de nombreuses données probantes pour les interventions mettant l’accent sur les modifications des règles relatives au temps de travail. Les approches offrant aux travailleurs une plus grande liberté dans l’aménagement de leur temps de travail (p. ex. travail par équipes) ont tout particulièrement montré des effets positifs, notamment sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, mais aussi sur les variables de santé. En deuxième position, en termes de données probantes, arrivent l’augmentation des possibilités d’influence des employés sur leurs missions ou l’organisation du travail ainsi que les démarches d‘amélioration participative des processus.
En revanche, l’efficacité des approches misant sur une assistance systématique des débutants (étudiées exclusivement dans le domaine des soins), de même que des programmes de prévention contre la violence n’a pas été suffisamment démontrée. L’analyse de la formation et du développement des cadres a donné des résultats contradictoires ne permettant pas de formuler des conclusions concluantes. Cela nécessiterait d’autres études de qualité sur les interventions.
L’effet des interventions au niveau organisationnel sur le burnout et divers autres indicateurs de santé et de bien-être est largement démontré. La combinaison avec des interventions individuelles (p. ex. meilleure gestion du stress) dans le cadre de mesures contre le burnout pourrait contribuer à ces effets positifs. A contrario, des résultats parfois contradictoires ont été relevés en ce qui concerne l’effet sur le vécu du stress par les employés. Pour l’heure, l’impact sur la fidélisation des collaborateurs a été trop peu étudié pour pouvoir dresser des conclusions fiables.
Il serait souhaitable de pouvoir éclaircir les mécanismes d’action des mesures sur la base de données probantes. De nombreuses revues soulignent que les interventions axées sur les plannings de travail, sur la réduction de la charge de travail, sur l’amélioration de l’organisation et du contrôle du travail ainsi que sur une plus grande implication dans le travail, sur l’accompagnement social, sur la communication et sur le retour d’information, ont effectivement produit des changements significatifs dans les conditions de travail (effets proximaux). Par ricochet, elles devraient conduire à une amélioration de la santé (effets distaux).
Une intensification de la recherche est nécessaire pour mieux comprendre pourquoi seules certaines mesures organisationnelles produisent les changements escomptés. Il faut des études qui ne se contentent pas d’analyser l’efficacité des interventions, mais examinent aussi de façon systématique si les conditions nécessaires étaient réunies. Il s’agit par ailleurs d’identifier les facteurs contextuels qui ont pu avoir une incidence sur l’intervention et dans quelle mesure les échecs sont imputables à des problèmes de mise en œuvre.
La synthèse des études menées ces 20 dernières années effectuée par Aust et ses collègues montre que des mesures organisationnelles, en particulier un aménagement du travail ciblé et axé sur la santé, permettent d’améliorer l’environnement de travail psychosocial et la santé de nombreux employés.
Les résultats de la présente étude soulignent le rôle prépondérant de la marge de manœuvre (ou de l’autonomie/du contrôle) des collaborateurs en tant que ressource efficace dans la littérature sur le stress. Une fois de plus, la capacité d’influence et la latitude d’organisation se révèlent bénéfiques pour la santé.
Etude
Aust, B., Moller, J. L., Nordentoft, M., Frydendall, K. B., Bengtsen, E., Jensen, A. B., ... & Jaspers, S. O. (2023). How effective are organizational-level interventions in improving the psychosocial work environment, health, and retention of workers? A systematic overview of systematic reviews. Scandinavian Journal of Work, Environment & Health, 49(5), 315–329. doi:10.5271/sjweh.4097
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