Le blog de Psychoscope – Quid de l’efficacité de la dissuasion
Au sujet de l’impact des peines sévères sur la dissuasion, l’auteur de l’article et professeur émérite à l’Université de Montréal Maurice Cusson souligne qu’elles ne contribuent souvent pas à diminuer le taux de criminalité. Une étude a comparé le taux de récidive de 962 délinquantes et délinquants dont certaines personnes ont reçu une peine privative de liberté et d’autres une sentence communautaire. Il en ressort que le taux de récidive est identique dans les deux groupes lorsque les facteurs de récidive sont présents. Une métanalyse américaine sur l’effet de la peine de mort conclut par ailleurs qu’une augmentation des peines capitales n’entraine pas une diminution du nombre d’homicides qui, lui, reste stable. La sévérité de la peine ne semble donc pas avoir d’impact sur la dissuasion.
L’impunité impacte la perception des auteurs d’infractions
De même, l’auteur constate l’inefficacité de la dissuasion jusque sur le terrain de la certitude de la peine (probabilité de la sanction) en matière de délits contre la propriété. Très fréquents, ces délits sont toutefois peu élucidés. Une recherche américaine a mené une enquête auprès de 1500 personnes sur la connaissance des risques d’être arrêté ou puni dans leur juridiction. Il en ressort que les probabilités des peines ne sont pas connues de la population. Partant de l’idée que les délinquant-e-s ne les connaissent pas non plus, la certitude de recevoir une sanction ne rentre pas en considération dans la décision de de passer à l’acte ou non.

Parmi les auteurs d’infractions, la faible probabilité de se faire sanctionner peut mener à un sentiment d’impunité. Un chercheur français a dirigé une enquête de délinquance auto reportée auprès de 2988 écoliers de 13 à 19 ans. Le questionnaire aborde les petits délits et les délits plus graves (vol avec violence, rackets, cambriolage, vols de voiture). Il en ressort que 5% des auteurs «suractifs» sont responsables de 50% des petits délits et 86% de délits graves. Parmi ce noyau, 82% avaient échappé à la sanction. 18% autres ont été surpris par la police avec un risque faible de subir une sanction. Cette recherche démontre « qu’un acte qui n’est pas sanctionné n’est pas grave, et un acte sans gravité peut être commis ». L’impunité impacte la perception de l’auteur qui va estimer, au fur et à mesure qu’il commet des actes, que ces derniers sont moins graves.
Plus les sanctions sont probables, plus les homicides diminuent
Concernant les succès de la dissuasion, Maurice Cusson relève que, dans les cas d’homicide, la certitude de la peine est élevée, et que cela a un impact sur le taux d’infraction. Plus les sanctions sont probables, plus les homicides diminuent. De même, l’article relève un impact significatif sur les homicides de l’intégrité et la performance de la police et des juges. Un autre succès de la dissuasion est relevé dans le cadre des infractions à la circulation routière avec la mise en place de contrôle et de sanctions. Ces mesures ont diminué la mortalité de manière significative.
La prévention situationnelle joue un rôle important sur la fréquence des délits. Cette prévention utilise des mesures (jour technologie de surveillance, radars, présence de contrôle) ciblant les auteurs d’infraction sur le lieu précisément où ils avaient l’intention d’agir. De même, la stratégie «Ceasefire» mise en place pour dissuader des gangs violents ciblent une catégorie précise de délinquant et se compose de 3 volets: communiquer aux malfaiteurs des messages dissuasifs, augmenter la présence de l’autorité procédant à des arrestations et des contrôles et renforcer les opérations «coup de poing» permettant des arrestations et mise en accusation de membres. Cette stratégie, ayant nécessité une collaboration entre les différents professionnels, a eu un impact significatif sur la criminalité.
L’article conclut que la dissuasion fonctionne, mais qu’elle n’est efficace que dans certaines conditions. Tout en gardant à l’esprit que les peines doivent être proportionnelles à la gravité de l’infraction, une peine modérée aura pour la majorité des personnes délinquantes un effet d’autant plus positif si elle est probable. La menace de punir doit être suivie par sa mise en application. Par ailleurs, cibler les menaces sur un point précis (lieu, type de délit, groupe d’auteur-e-s) avec une communication dissuasive impacte significativement la criminalité.
Etude
Cusson, M. (2021). Dissuader : leçons des échecs et des succès. Nouvelle Revue de Criminologie et de Politique Pénale, 2, 3-9. Lichtenhahm: Helbing
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