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Entretenir la flamme intérieure

30 set 2022
Romana Feldmann
Psicologia dello sport, Professione psicologo
30 set 2022
Romana Feldmann
Psicologia dello sport, Professione psicologo
Sprintbahn
Kolleen Gladden on Unsplash

En sport-handicap aussi, la psychologie du sport offre un encadrement personnalisé favorisant la construction d’un soi stable et d’un moteur intérieur sain. Comment s’organise l’encadrement des athlètes en situation de handicap physique? Trois exemples tirés de la pratique. 

Sylvie est une jeune femme de 24 ans, pleine d’énergie, avec de nombreux centres d’intérêt. Elle a une maturité et un certificat de fin d’apprentissage en poche. Ce qui ne se voit pas d’emblée: elle est amputée de la jambe gauche et porte une prothèse élégamment dissimulée sous un pantalon ample. Une complication survenue lors de sa naissance est responsable d’une malformation de son pied ayant entraîné un trop grand nombre d’opérations et de traitements dans son enfance. Aujourd’hui encore, les ajustements de sa prothèse font partie intégrante de sa vie. Sylvie se décrit comme une personne dynamique, toujours prête à participer à tout type d’activité. À 18 ans, elle est approchée par PluSport, l’organisation faîtière de soutien aux personnes en situation de handicap, du sport de masse au sport d’élite. Dès lors, elle bénéficie d’un accompagnement au long du parcours qui la mène au plus haut sommet international. La psychologie du sport a aussi participé à son évolution.

L’encadrement par un-e psychologue du sport des sportives et des sportifs en situation de handicap physique (également appelés para-athlètes ou athlètes paralympiques) est-il différent de la «normale»? Si oui, en quoi? Pour répondre à ces questions, prenons deux autres exemples.

Accident et maladie

À 29 ans, Bruno est victime d’un accident de parapente qui le rend paraplégique. S’ensuivent de longs mois de rééducation, une réorientation professionnelle et un déménagement dans un appartement accessible en fauteuil roulant. L’assurance-invalidité (AI) le soutient financièrement, afin qu’il puisse suivre les traitements nécessaires en dehors de ses horaires de travail à temps partiel. Il a dû renoncer à beaucoup de ses anciennes activités, mais en a découvert de nouvelles, dont le rugby en fauteuil roulant. Au départ, il appréciait les relations sociales apportées par ce sport et le fait de pouvoir à nouveau s’investir pleinement dans une activité. Aujourd’hui âgé de 36 ans, Bruno fait partie de l’équipe nationale et participe à des compétitions dans le monde entier. 

Contrairement à Bruno, victime d’un coup du sort à un instant t, Lara a été malade pendant de longs mois. Au départ, quand elle a commencé à avoir des problèmes d’équilibre, elle avait le sentiment que «quelque chose n’allait pas». Il a fallu attendre le résultat de divers examens pour que le diagnostic de la sclérose en plaques (SEP) tombe. Lara est sujette à une inflammation de son système nerveux, responsable de différents troubles qui évoluent de façon chronique. Dix ans après son diagnostic, aujourd’hui âgé de 47 ans, Lara se déplace en fauteuil roulant et souffre de fatigue extrême. Elle aussi était une personne dynamique et très active. Par moments, il lui est encore difficile d’accepter de devoir renoncer à beaucoup d’activités ou de ne plus pouvoir s’y adonner aussi longtemps qu’avant, en dépit de sa volonté. Pour lutter contre l’évolution de sa maladie de façon structurée et ciblée, elle a décidé de s’inscrire à un club de tir à l’arc. L’association Sport suisse en fauteuil roulant la soutient dans la pratique de cette discipline de sport-handicap. Malgré les prévisions pessimistes sur l’évolution de son état de santé, elle rêve de participer aux Jeux paralympiques.

L'auteure
Romana Feldmann est psychologue-spécialiste en psychologie du sport FSP. Dans son cabinet, elle suit des client-e-s du monde du sport et de l’économie. Elle est psychologue en chef du centre de compétence pour les sports en fauteuil roulant de Nottwil. En 2021, elle a accompagné la délégation suisse aux Jeux paralympiques de Tokyo.
Romana Feldmann - Psychologue-spécialiste en psychologie du sport FSP
Romana Feldmann
Psychologue-spécialiste en psychologie du sport FSP

Encadrement par la psychologie du sport-handicap

Les parcours de vie de Sylvie, Bruno et Lara illustrent la diversité des situations et des conditions sportives des athlètes paralympiques. S’il y a certes un être humain derrière chaque athlète qui bénéficie d’un encadrement classique par la psychologie du sport, en sport-handicap, il faut tenir compte davantage encore du contexte. Les athlèts ont besoin d’un encadrement spécifique. Quelle forme prend-t-il?  

Pour permettre une comparaison des performances sportives en termes de puissance, d’endurance, de tactique et de force mentale, une «classification» des athlètes basée sur leur handicap physique est réalisée au niveau international. L’objectif est de réunir les sportives et les sportifs aux caractéristiques similaires dans les mêmes catégories. Cette classification est nécessaire pour assurer des compétitions équitables. La complexité des catégories, très diverses et nombreuses, nuit cependant à l’attrait du sport. Ces dernières années, on a toutefois assisté à une professionnalisation notable du sport-handicap, notamment en termes d’équipement, de présence sur les réseaux sociaux et de sponsoring, mais aussi en ce qui concerne l’entraînement physique et psychologique des athlètes. Ce dernier fait désormais partie de leur entraînement quotidien. Il est axé sur la régulation, la focalisation de la concentration ou encore le contrôle des émotions. 

Globalement, les problématiques psychologiques (sportives) qui se posent dans le sport de haut niveau pour les athlètes paralympiques sont les même que pour les sportifs qui ne sont pas en situation de handicap. Il s’agit principalement de favoriser la satisfaction des besoins fondamentaux tels que définis par Klaus Grawe, chercheur allemand en psychothérapie: la reconnaissance et l’estime de soi, lien social ou encore l’orientation et le contrôle. La protection et l’amélioration de l’estime de soi jouent un rôle très important dans le sport. On dispose actuellement toutefois de peu de données scientifiques sur les besoins psychologiques liés au sport et les spécificités des athlètes paralympiques, comme le montre une étude sud-africaine menée en 2019 dans le cadre d’un projet de recherche systématique. Les premiers Jeux paralympiques ont eu lieu en 1960. Par conséquent, les Jeux olympiques, organisés pour la première fois à Athènes en 1896, ont naturellement une longueur d’avance. L’argument selon lequel les stéréotypes sur les personnes en situation de handicap et les réactions correspondantes du mouvement de défense des droits des personnes handicapées auraient freiné le développement des Jeux paralympiques ne tient pas en Suisse. Comme évoqué, la principale raison de ce décalage réside sans doute dans la difficulté de comparer les athlètes, liée à la diversité de leurs situations.

«Globalement, les problématiques psychologiques (sportives) qui se posent dans le sport de haut niveau pour les athlètes paralympiques sont les même que pour les sportifs qui ne sont pas en situation de handicap.»

Acquisition d’outils mentaux

Revenons à Bruno: son accident de parapente et la paraplégie consécutive l’ont plongé dans une profonde crise. Pendant ses longs mois de rééducation, le plus important pour lui était sa famille, qui lui rendait visite au quotidien, les échanges avec d’autres personnes accidentées et les petites victoires remportées sur la voie de l’indépendance. Il est sceptique vis-à-vis du suivi psychologique proposé pendant sa rééducation. La psychologie du sport est un terrain inconnu pour lui. Il considère pourtant un tel accompagnement comme une expérience d’autant plus importante qu’elle est claire, concrète et axée sur des solutions et l’action, ce qui lui parle. 

Bien entendu, un suivi psychologique en période de crise n’est pas comparable à un coaching. L’exemple de Bruno illustre toutefois l’importance du travail relationnel et de la suppression en amont des résistances éventuelles en cas d’expérience préalable négative d’un accompagnement psychologique. Dans le cas de Bruno, l’encadrement a commencé par l’acquisition d’«outils mentaux». Il a ainsi appris à retrouver sa concentration après avoir perdu le ballon durant un match de rugby en fauteuil roulant. Plus tard, il a travaillé sur son accident et la période difficile qui a suivi. Pour Bruno, ce vécu est aujourd’hui une ressource: Quels sont les éléments acquis durant sa rééducation qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui? Quelles forces mentales a-t-il développé – par la force des choses? Les crises ou événements critiques peuvent être les catalyseurs d’une maturation psychique et d’un développement personnel, connu sous le nom de croissance post-traumatique, comme l’a démontré la psychologue allemande Judith Mangelsdorf.

Maturité et psychologie positive

Contrairement à Bruno, Sylvie a grandi avec son handicap. Les parents d’enfants en situation de handicap sont souvent surprotecteurs. Dans de nombreux cas, cela se traduit par des enfants qui tiennent beaucoup de choses pour acquises et doivent apprendre à satisfaire leurs besoins par eux-mêmes. Les parents de Sylvie, au contraire, ont essayé de l’élever «tout à fait normalement» et de la traiter comme ses frères et sœurs. Sylvie est aujourd’hui très indépendante et s’entraîne jusqu’à 20 heures par semaine. 

Les séances de psychologie du sport étaient notamment axées sur la force mentale requise pour les compétitions, mais ont aussi permis d’explorer d’autres aspects et révélé que le moteur intérieur puissant de Sylvie reposait sur une aspiration à la «normalité» – qu’elle compensait en permanence en repoussant ses limites. Le travail sur son «enfant intérieur» et les alternatives acquises aux «schémas de contre-attaque», notamment les exercices relevant de la thérapie d’acceptation et d’engagement («acceptance and commitment therapy» en anglais, ou ACT), l’ont aidée à accepter son corps et à être plus indulgente avec elle-même. Elle a ainsi appris à recevoir l’aide d’autrui, à la solliciter et à revoir ses schémas de pensée négatifs. Ce travail sur la confiance en soi l’a faite murir, dans son sport comme dans sa vie privée.

Qu’en est-il de Lara, atteinte de sclérose en plaque? Comment gère-t-elle les pronostics négatifs concernant l’évolution de son état de santé? Comment gère-t-elle les échecs? Comment vit-elle les journées où elle n’arrive pas à donner le maximum? Et quel rôle joue le sport dans sa vie? Dans le cadre du coaching, elle réagit particulièrement bien aux approches issues de la psychologie positive. Elle apprend à identifier les petites victoires, à en être reconnaissante et à entretenir un état d’esprit optimiste: l’accent est mis sur ce qui fonctionne. Des exercices de détente et un entraînement autogène lui permettent d’approfondir le travail – avec des effets bénéfiques au quotidien et pour la sérénité à trouver au moment du tir à l’arc. Elle est plus âgée que la moyenne, même parmi les athlètes paralympiques, ce qui ne la dérange pas. Elle considère au contraire son âge comme un atout pour aborder les choses avec plus de calme.

La créativité est de rigueur

Les trois exemples évoqués soulignent l’importance de la thématique de l’acceptation. Même une personne en fauteuil roulant depuis de nombreuses années, qui a bien intégré son état dans son histoire personnelle, est régulièrement confrontée à des phases difficiles abordées dans le cadre du suivi psychologique. Il peut s’agir, par exemple, de sentiments de honte liés à la perte du contrôle de sa vessie, à l’image véhiculée sur les réseaux sociaux ou plus généralement de la «différence».

La psychologie du sport utilise divers concepts et modèles. Il s’agit de déterminer avec l’athlète ce qui fonctionne et, le cas échéant, ce qu’il convient d’adapter et comment. Il faut faire preuve de créativité et savoir identifier quand il est judicieux d’intervenir et quand il vaut mieux laisser à la personne le soin d’analyser son corps et sa situation. Favoriser la conscience corporelle est une part importante du travail effectué. 

Le personnel d’entraînement, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes et les autres spécialistes œuvrent également à la création de conditions optimales et sur mesure pour les sportives et les sportifs. Des échanges interdisciplinaires avec toutes les parties prenantes sont essentiels à leur évolution. 

Le respect et la confiance sont par ailleurs des aspects essentiels lorsque les interventions de psychologie du sport se déroulent sur les terrains d’entraînement ou de compétition. De même, les psychologues du sport doivent aussi répondre présents auprès des athlètes dépendants d’autrui, car les effectifs sont souvent limités. Cette assistance peut prendre des formes variées: aide au transfert des bagages, ouverture d’une bouteille, organisation de l’accessibilité de la chambre d’hôtel en fonction du handicap, voire aide au changement de tenue en cas de timing serré durant la compétition.

Moi stable et moteur intérieur sain

En guise de conclusion, retenons que le sport-handicap s’est considérablement professionnalisé ces dernières années, avec de meilleures performances sportives à la clé pour les athlètes. Le travail effectué dans le cadre de la psychologie du sport doit systématiquement tenir compte de la situation de la personne. En Suisse, le nombre d’athlètes par type de sport et par catégorie est faible. Ces athlètes ne peuvent donc guère se stimuler et se motiver mutuellement en se mesurant dans des épreuves. Quels sont les facteurs de force mentale requis dans le cas d’une «densité nationale» aussi faible? Qu’en est-il lorsque le sport en question bénéficie de peu de visibilité? Et lorsque les succès sportifs sont perçus comme un «bonus» ou un luxe? Bien souvent, après un coup du sort, la maîtrise du quotidien est la priorité des athlètes paralympiques. De plus, gagner sa vie avec le sport est très difficile. Sur quels aspects faut-il se concentrer, lesquels faut-il développer, quelles sont les limites à accepter (et comment)?  

Pour apporter des réponses à ces questions, de façon générale:

«Les psychologues du sport doivent offrir un encadrement personnalisé favorisant la stabilité personnelle et la motivation intrinsèque. Pour pouvoir évoluer, les athlètes paralympiques doivent entretenir la flamme intérieure qui les pousse à s’investir dans la compétition.»
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